David Cosandey
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Le brillant résumé du Secret de l'Occident présenté par Christophe Brun, professeur de géographie et d'histoire à Rabat (Maroc), au Colloque international sur la littérature et la guerre de Meknès (Maroc), 25-27 octobre 2001. Ci-dessous, extraits du texte mis en ligne pour la préparation des étudiants de français aux examens de mai 2002 au Maroc. Texte complet. Copie de sécurité: mai 2002. Document original. |
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I. Une théorisation
géotechnique de la parenté des situations De quel droit traiter d'un même mouvement de la guerre en Grèce classique, et de part et d'autre de la Manche vers 1400 ? Presque deux millénaires séparent deux types de société (la cité grecque ; l'État féodal européen) qui relèvent de deux civilisations (la Grèce et la Méditerranée antiques ; l'Europe médiévale) établies en deux espaces géographiques distincts (le sud de la péninsule Balkanique qui s'ouvre sur la mer Égée et le bassin oriental de la Méditerranée ; l'Europe du Nord-Ouest baignée par les eaux de l'océan Atlantique). Pourtant,
en dehors de la simple constatation qu'au sein des deux sociétés, la guerre est
fréquente et considérée comme normale, la comparaison s'avère fructueuse si
sont prises en considération deux déterminations qui rapprochent les caractères
guerriers des sociétés étudiées. L'une d'elles est d'ordre
technique et économique : les deux sociétés ne connaissent ni les armes à
feu, qui se répandent à partir des XVe-XVIe s., ni l'industrialisation amorcée aux XVIIIe-XIXe s. De sorte qu'à la
question de savoir comment, en situation de guerre, surclasser l'adversaire,
les Grecs comme les Anglais-Français n'ont pu inventer de moyens d'action qu'en
puisant aux mêmes sources naturelles d'énergie et de matériaux. L'énergie est
issue des forces naturelles telles que la gravitation, les flux d'air et d'eau,
etc. ; de la force musculaire de l'animal, dont celle de l'homme ;
des combustibles végétaux (bois, tourbe, huiles, résines, etc.), animaux (suif)
et minéraux (charbon, pétrole brut - « naphte » ou bitume). Les
matériaux sont également minéraux, végétaux, animaux : les roches ;
les métaux plus ou moins épurés et perfectionnés par les alliages ; le bois ;
les plantes, les poils, les peaux, les viscères et tendons, les dents et les
os, etc., et leurs transformations par le textile, la pelleterie, la
maroquinerie, la corderie, etc. La seconde est d'ordre
géopolitique. Au contraire de la précédente, elle semble être, sur le long
terme (plusieurs siècles), une caractéristique de ce qu'il est convenu
d'appeler l'Occident[2].
Elle est décrite par un néologisme publié par un historien non institutionnel,
David Cosandey, en 1997[3] :
la « méreuporie »[4],
terme forgé à partir du grec et qui désigne pour son auteur une « division
politique stable » accompagnée de prospérité économique.[5] La division politique stable
est la permanence, sur plusieurs siècles et au sein d'une même aire de
civilisation, d'un système d'États concurrents dont environ une dizaine ont une
importance significative[6].
Elle s'observe dans le cas des cités grecques de l'Hellade (Grèce européenne,
égéenne et asiatique) du IIIe millénaire av. J.-C. au moins jusqu'au IVe s. av. J.-C. Elle
se reproduit brièvement aux IIIe et IIe s. av. J.-C., à un degré de puissance
supérieur, lorsque apparaissent en Méditerranée orientale les grands États
hellénistiques rivaux issus du partage de l'empire macédonien d'Alexandre le
Grand. Puis elle disparaît, absorbée dans un empire unifié par sa civilisation
méditerranéenne et ses institutions civiques, et politiquement ordonné autour
de Rome (Ier s. av. J.-C.-Ve s. ap. J.-C.). Un tel système d'États concurrents s'observe à
nouveau en Europe occidentale[7],
un espace correspondant à peu près aujourd'hui à l'Union européenne et à
l'Europe médiane, à l'exclusion des États russophones, ainsi que des États
balkaniques nés de la décomposition de l'empire ottoman aux XVIIIe-XXe s. Cette configuration
géopolitique européenne prend forme avec les royaumes « barbares »
germaniques des Ve-VIIe s. et subsiste au
moins jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, à la mi-XXe s. À ce moment, la
méreuporie européenne est devenue « occidentale » avec l'adjonction
de la Russie (XVIIIe s.),
des Balkans (XIXe s.),
et mieux encore des États-Unis d'Amérique (XIXe s.). Mais l'Europe
sombre politiquement dans le « suicide européen » que furent les deux
guerres mondiales. Leurs conséquences géopolitiques majeures furent d'une part
la naissance des deux « supergrands » américain et soviétique,
d'autre part le processus d'intégration économique et politique des États
d'Europe occidentale amorcé vers 1950 et poursuivi de nos jours vers l'Europe
médiane et orientale. D'où vient que les Grecs, puis les Européens, ont bénéficié de cette « bonne méreuporie » durant plusieurs siècles, à l'exception de toute autre civilisation ? David Cosandey propose en réponse à cette question un second concept : la « thalassographie articulée »[8], qui confère un rôle déterminant à la « silhouette géographique » de l'Hellade et à celle du continent européen : les contours côtiers très découpés donnent naissance à des territoires compartimentés, en particulier les îles, presqu'îles et péninsules. L'imbrication des espaces terrestre et maritime fait qu'aucun point de celui-là n'est très éloigné de celui-ci. En prenant en considération fleuves et montagnes, le cloisonnement des espaces apparaît encore accru, alors même que l'omniprésence des mers et des cours d'eau navigables favorise les échanges. La morphologie spatiale explique simultanément la formation durable d'entités ethno-politiques qui occupent des portions d'espace assez clairement délimitées et protégées[9], et l'instauration d'une croissance économique tendancielle fondée sur un commerce massif de produits de base pondéreux (grains, bois, métaux notamment) par voies fluviale et maritime, les seules possibles - eu égard aux techniques de transport disponibles et à leur coût - jusqu'à l'ère industrielle[10]. Le relatif cloisonnement de
l'espace favorable à la permanence d'entités politiques demeure fonction de la
puissance technique de ces dernières, elle-même corrélée à l'extension
territoriale, surtout en cas de stagnation ou de faible progrès de la
productivité. C'est la raison pour laquelle les cités grecques furent
surclassées par la Macédoine et les États hellénistiques, et ces derniers par
l'empire romain ; de même, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les
États d'Europe occidentale se muèrent en grandes puissances de second rang
lorsque s'affirmèrent les deux « supergrands ». En outre, les effets socio-économiques de la
thalassographie articulée ne se peuvent produire que lorsque l'espace concerné
est suffisamment investi et mis en valeur par le peuplement humain[11].
Ce n'est le cas dans la moitié septentrionale, non méditerranéenne, de
l'Europe, avec ses sols lourds couverts de forêts denses, qu'aux premiers
siècles du Moyen Âge - en partie grâce à la croissance cumulative endogène de
la population qui se nourrit du reste, secondairement, des apports migratoires
de peuples nomades envahisseurs finalement sédentarisés et absorbés (IIIe-Xe s.). Dès lors que sont prises en
compte les caractéristiques techniques et économiques des sociétés antérieures
aux armes à feu et à l'industrialisation, ainsi que la bonne méreuporie issue
de la thalassographie articulée - c'est-à-dire le cadre géopolitique d'un
système durable d'États concurrents et relativement prospères au sein d'une
même civilisation -, il apparaît qu'entre la société guerrière de la Grèce
classique et celle de l'Europe nord-occidentale à l'époque de la guerre de Cent
Ans, il existe, non une différence essentielle de nature, mais plutôt de degré. La plus remarquable différence est ainsi le
changement d'échelle, géographique et donc quantitatif, dans les moyens
affectés à la rivalité militaire. Cependant, en dépit de ce changement de
dimension, les rapports entre société militaire et société globale fonctionnent
de manière similaire, tant dans l'ordre politique qu'idéologique. II. De l'Hellade à l'Europe :
le changement d'échelle d'une force de frappe de même nature. La Grèce antique - l'Hellade - est née à l'extrémité sud-orientale de l'arc alpin, sur la côte occidentale de l'Asie mineure ainsi que, entre ces deux péninsules, dans la poussière d'îles de la mer Égée. Le territoire, aux quatre-cinquièmes montagneux, est baigné par la mer : l'Égée bien sûr, prolongée au sud par la Méditerranée proprement dite, par la mer Noire au nord, mais aussi, au Couchant, l'Adriatique et son appendice le golfe de Corinthe qui presque isole la péninsule du Péloponnèse de la Grèce continentale d'Europe. Les vingt pour cent restants sont de petites plaines étroites, pour la plupart côtières, où se concentre l'essentiel de la population et où sont apparues les cités grecques : à l'espace topographiquement compartimenté de l'Hellade correspond le morcellement politique en une multitude de micro-États qui n'ont le plus souvent que de 100 à 200 km² de superficie. Les « géants » du
monde grec sont Argos, dotée de 600 km², mieux encore Athènes, dont le
territoire civique atteint 2 600 km², et surtout Sparte, État de
8 000 km² à l'époque de sa plus grande extension[12].
Dans le cadre d'économies fondées sur les revenus de l'agriculture, la
population des cités est en rapport direct avec ces surfaces, même si les
ressources de la pêche et du commerce permettent de nourrir davantage d'hommes
que ne l'autoriseraient les seuls espaces agricoles : on compte le plus
souvent quelques centaines ou milliers d'habitants par cité. Athènes est une
exception remarquable puisqu'au Ve s., son vaste territoire et
l'approvisionnement que sa flotte lui procure lui font atteindre les
200 000 habitants, dont 30 000 à 40 000 citoyens qui sont
autant de combattants potentiels. Ainsi, après la remarquable
croissance démographique des IXe-VIIe s. av. J.-C. et les migrations
« coloniales » sur le pourtour du bassin méditerranéen qui en furent
une conséquence, l'Hellade compte tout au plus, au Ve s. av. J.-C., de 3 à 4
millions d'habitants[13]. Les royaumes de France et d'Angleterre se sont constitués au cœur occidental de la large bande de plaines et de bas plateaux, encadrée de massifs montagneux, qui prend en écharpe la moitié Nord de l'Europe : les bassins sédimentaires de Londres[14], de Paris et d'Aquitaine[15]. Les sols profonds, riches et lourds, le climat océanique humide, sont propices aux cultures et aux pâturages et permettent des rendements nourriciers bien supérieurs à ceux de l'Hellade dès lors que l'outillage agricole et le niveau de peuplement nécessaire aux défrichements en actualisent les potentialités. Les surfaces concernées sont au surplus bien plus considérables : vers 1400, le royaume d'Angleterre compte environ 100 000 km², contre 450 000 à son adversaire français. La population, elle, a souffert de la pandémie de
Peste Noire venue d'Asie, qui a dévasté presque toute l'Europe à partir de 1348
et qui, transformée depuis en endémie, retarde ou ralentit une reprise
démographique par ses retours localisés mais périodiques et très meurtriers.
L'Europe est ainsi passée d'environ 90 millions d'habitants vers 1330, à
peut-être 60 millions vers 1400, soit une baisse d'un tiers. L'Angleterre et la
France ont été touchées plus encore que l'Europe en sa moyenne, puisque les
populations anglaise et française seraient passées, respectivement, de quelque
5 et 16 millions vers 1310, à, sans doute, environ 2 à 3 et 8 à 10 millions
d'habitants. Les deux royaumes pris ensemble, quoique bien diminués, comptent
au pire, au début du XVe s., encore trois fois plus d'hommes que toute
l'Hellade au Ve s.
av. J.-C., sur des territoires incommensurablement plus vastes. C'est dire
le saut quantitatif opéré d'une époque et d'une région à l'autre. C'est
dans ces conditions qu'aux VIIIe-VIIe s. av. J.-C. en Hellade, aux Xe-XIe s. en Europe
occidentale, a été par mise au point l'arme tactique la plus destructrice
possible : la force blindée automobile[16],
qui force la décision frontalement, en rase campagne, par sa vitesse et sa
puissance de choc lorsqu'elle heurte les lignes adverses - ce qui suppose, bien
sûr, que l'ennemi accepte ce type d'affrontement, et soit donc organisé de la
même manière. Les Grecs équipent ainsi lourdement en armes défensives et
offensives le fantassin, l'« hoplite », qui évolue en formation
serrée, la « phalange », cependant que les Européens promeuvent le
cavalier également lourdement équipé en armes défensives et offensives[17],
le « chevalier », qui évolue lui aussi en formation serrée, la
« bataille » [18]. La différence entre les deux formations guerrières vient de l'importance de ce qui peut, pour chacune d'elles, l'équiper, la nourrir, lui permettre de se déployer. Dans les deux cas, la métallurgie, le travail du bois, des fibres ou du cuir se développent dans des sociétés suffisamment complexes pour abriter une division du travail efficiente. En revanche, les Grecs n'ont pas de pâturages, sauf en Thessalie et en Macédoine, deux régions septentrionales à la périphérie de la civilisation grecque. En outre, à l'inverse des Européens du Nord-Ouest, leurs plaines étroites n'autorisent pas les Grecs à déployer de grandes forces montées qui, pour un nombre identique de combattants, évoluent dans un espace bien plus vaste que les armées de fantassins.
(...)
Orientation bibliographique 1.1 - Ruano-Borbalan, Jean-Claude (coord.), L'histoire
aujourd'hui, Auxerre, Sciences Humaines Éditions, 1999, xiv-473 p. Cf. chap. VII,
« L'histoire de la guerre : un chantier en émergence »,
p. 205-235. 1.2 - Bouthoul, Gaston, La Guerre, Paris,
PUF, coll. « Que sais-je ? », 3e éd. 1963 (1re
éd. 1953), 128 p. - Keegan, John, Histoire de la guerre du
néolithique à nos jours, Paris, L'Esprit frappeur, 2000, 5 vol. 1re
éd. française, Paris, Dagorno, 1996, 1 vol. Éd. originale en anglais,
1993. - Nières, Claude, Faire la guerre. La guerre
dans le monde de la préhistoire à nos jours, Toulouse, Privat, 2001,
286 p. - Vaïsse, Maurice (dir.), Aux armes
citoyens. Conscription et armée de métier des Grecs à nos jours, Paris,
Armand Colin, 1998, 183 p. - Guilaine, Jean et Zammit, Jean, Le sentier
de la guerre. Visages de la violence préhistorique, Paris, Seuil, 2001,
377 p. 1.3 - Cosandey, David, Le Secret de
l'Occident. Du miracle passé au marasme présent, Paris, Arléa, 1997,
469 p. - Brasseul, Jacques (avec Cosandey,
David), « L'évolution divergente des sciences et des techniques sur les
deux rives de la Méditerranée : les leçons de l'histoire », in revue Mondes
en développement, 1999, t. 27, n° 105, p. 15-27. - Baechler, Jean, Le Capitalisme, Paris,
Gallimard, coll. « Folio Histoire », 1995, 2 t. ;
t. 1, Les origines, 444 p. et t. 2, L'économie
capitaliste, 452 p. - Baechler, Jean, Nature et histoire,
Paris, PUF, 2000, 1 135 p. - Grataloup, Christian, Lieux d'histoire.
Essai de géohistoire systématique, Montpellier, GIP RECLUS, coll.
« Espaces mode d'emploi », 1996, 200 p. - Davies, Norman, Europe. A history, Oxford-New York, Oxford University Press,
1996, xviii-1365 p. - Crouzet, François, Histoire de l'économie
européenne, 1000-2000, Paris, Albin Michel, coll. « Bibliothèque
Histoire », 2000, 440 p. - Jones,
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in the history of Europe and Asia, Cambridge, Cambridge University Press,
1981, ix-276 p. 2.1 - Queyrel, Anne et François, Lexique
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Paris, Armand Colin, « Destins du monde », 3e éd. 1986 (1re
éd. 1964), 639 p. - Amouretti, Marie-Claire et Ruzé, Françoise, Le
monde grec antique. Des palais crétois à la conquête romaine, Paris,
Hachette-Université, 4e éd. 1985 (1re éd. 1978),
272 p. - Mossé, Claude, La Grèce archaïque d'Homère
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187 p. - Mossé, Claude, La démocratie grecque,
Paris, M.A. Editions, coll. « Le monde de... », 1986, 237 p. 2.2 - Amouretti, Marie-Claire et Ruzé, Françoise, Les
Sociétés grecques et la guerre à l'époque classique, Paris, Ellipses, 1999,
175 p. - Ducrey, Pierre, Guerre et guerriers dans
la Grèce antique, 2e éd. Paris, Hachette, coll.
« Pluriel », 1999, 318 p. (1re éd. Fribourg, Office
du Livre, 1985). - Gondicas, Daphné et Boëldieu-Trevet,
Jeannine, Guerres et sociétés dans les mondes grecs (490-322 avant J.-C.),
s.l., Bréal, coll. « Questions d'histoire », série « Histoire
ancienne et médiévale », 1999, 206 p. - Guerres et sociétés dans les mondes grecs
à l'époque classique, actes du colloque de la Société des professeurs
d'histoire ancienne de l'Université (SOPHAU), Dijon, 26-28 mars 1999 publié
dans un numéro spécial de la revue Pallas, revue d'études antiques,
n° 51, 1999, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 319 p. - Prost, Francine (textes réunis par), Armées
et sociétés de la Grèce classique. Aspects sociaux et politiques de la guerre
aux Ve et IVe s. av. J.-C., Paris, éd. Errance,
1999, 288 p. - Hanson, Victor Davis, Le Modèle occidental
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Antonio, Soldiers, Citizens and the Symbols of War. From Classical Greece
to Republican Rome, 500-167 B. C., Boulder, Westview Press, 1997,
288 p. [1] Ce travail est réalisé en marge d'une étude de littérature comparée où figurent en particulier Les Perses d'Eschyle, et Henry IV de Shakespeare. Les Perses, tragédie construite autour de l'épisode du combat naval de Salamine (480 av. J.-C.), fut composée par un ancien combattant de Salamine qui participa également au combat hoplitique de Marathon (490 av. J.-C.) ; elle fut représentée en 472 av. J.-C. devant le public athénien qui avait vécu les événements. Quant à Henry IV, Shakespeare a écrit ce drame v. 1597, environ deux siècles après le règne (1399-1413) du roi éponyme de la pièce. [2] Par suite, elle paraît faire figure de cause majeure de la surpuissance technique et politique de celui-ci par rapport aux autres civilisations du globe à l'époque contemporaine. [3] David Cosandey, Le Secret de l'Occident. Du miracle passé au marasme présent, Paris, Arléa, 1997, 469 p. L'auteur, docteur en physique théorique et salarié d'une grande entreprise, souhaite répondre à la classique question suivante : « Pour quelle raison l'Europe seule a-t-elle accouché de la science et de l'industrie modernes ? Pourquoi pas l'Islam, l'Inde ou la Chine ? » (p. 17). Il rappelle que deux éminents historiens contemporains, de la Chine (Joseph Needham) et de l'Occident (Fernand Braudel), avaient eux aussi posé cette question ; et d'ajouter : « Le miracle européen, il n'est guère besoin de le souligner, est l'une des grandes énigmes de l'histoire » (ibidem). Professeur d'économie à l'Université de Toulon, Jacques Brasseul a rédigé en collaboration avec David Cosandey un article qui reprend et exploite les thèses de ce dernier : « L'évolution divergente des sciences et des techniques sur les deux rives de la Méditerranée : les leçons de l'histoire », in Mondes en développement, 1999, t. 27, n° 105, p. 15-27. [4] Du grec meros, « diviser », et euporeos, « être dans l'abondance » ; le mot signifie « prospérité-économique-et-division-politique-stable ». D. Cosandey, Le Secret de l'Occident, op. cit., p. 147. [5] D. Cosandey résume ainsi sa thèse : « Les conditions du progrès scientifique et technique sont le succès économique et la division politique stable. Pour qu'un système isolé (une civilisation, une région) connaisse le progrès scientifique et technique, il faut qu'il soit divisé en plusieurs États durables et qu'il bénéficie d'une économie dynamique. Je me réfère à cette situation en parlant d'une bonne méreuporie. Si l'Europe a connu un extraordinaire décollage scientifique, c'est parce qu'elle a bénéficié d'une très longue période de division politique stable et de prospérité commerciale (en fait l'ensemble du IIe millénaire), au contraire des autres civilisations. » Ibidem, p. 19. C'est l'auteur qui souligne. Dans un premier chapitre, D. Cosandey passe d'abord en revue, en soulignant leurs insuffisances, « les explications traditionnelles ». Au nombre de sept, ces grandes hypothèses sont « religieuse » (le christianisme, et mieux encore le protestantisme, seraient plus favorables au progrès scientifique et technique que les autres religions), « culturelle » (les coutumes, mentalités, croyances des Européens les auraient mieux préparés), « ethnique » (sont invoquées de soi-disantes capacités innées des « Blancs » d'Europe), « climatique » (les caractéristiques du climat tempéré sont supposé être plus favorables), « tiers-mondiste » (les bénéfices du pillage colonial orchestré par les Européens auraient joué un rôle déterminant), « grecque » (l'héritage de la science hellène antique est privilégié) ; l'ultime explication traditionnelle est, faute de mieux : le « hasard ». [6] Une idée également étudiée par Jean Baechler dans son essai Le Capitalisme, Paris, Gallimard, 1995, 2 t. Cf. t. 1, Les origines, 3e partie « Les conditions politiques du capitalisme », chap. I, « Le concert européen » : l'auteur lie le développement économique européen à la démocratie, et cette dernière à une « structure oligopolaire [qui] réunit de cinq à dix polities [...] dont le rapport de puissance est tel qu'aucune ne peut l'emporter sur la coalition de toutes les autres » (p. 324). Si J. Baechler détaille les effets de l'oligopolarité politique, il attribue essentiellement au hasard (p. 330) cette « pérennité de la non-impérialisation de l'Europe » (p. 328) alors que Cosandey en propose une causalité. [7] Leur puissance dépasse progressivement celle des États hellénistiques. [8] D. Cosandey, op. cit.,
p. 272. [9]
Le phénomène est décrit par Eric Jones, The European miracle. Environments, economies and
geopolitics in the history of Europe and Asia, Cambridge University Press, 1981,
ix-276 p. [10] L'industrialisation fait subir une mutation à la capacité et à la rapidité des transports terrestres, avec l'apparition au XIXe siècle du couple locomotive et voie ferrée, auquel s'ajoute au XXe siècle celui unissant voiture automobile et route revêtue (de pavés, puis de goudron). Dans le domaine maritime, l'acier et la vapeur, puis les hydrocarbures engendrent des bouleversements similaires. En outre, l'aviation commerciale naît dans les années 1920. [11] Dans cette perspective, il semble que le concept de thalassographie articulée puisse être appliqué aux civilisations du Croissant fertile nées des fleuves (Tigre et Euphrate, Jourdain, Nil) : il s'agirait là d'une « potamographie » articulée (du grec potamos, fleuve). [12] Pour étalonner ces chiffres : la superficie d'un département français de taille moyenne est de 6 000 km². [13] Étalonnage : l'agglomération de Casablanca compte à l'aube du XXIe s. environ 3 millions d'habitants. [14] Le Bassin de Londres est limité au Nord par la chaîne Pennine anglaise, à l'Ouest par les monts Cambriens gallois. [15] Le Bassin parisien et le Bassin aquitain sont bordés du Sud-Ouest au Nord-Est par les Pyrénées, le Massif Central, l'arc alpin, les Vosges et l'Ardenne. [16] « Automobile » : le terme doit être compris dans son sens étymologique de « qui se meut par soi-même ». [17] L'homme est cuirassé, mais le cheval aussi dans le meilleur des cas. [18] Le type du combattant cuirassé est réinventé dès que les conditions guerrières et générales peuvent le susciter : par exemple, les Assyriens, les Chinois ou les Japonais en armure, les Carthaginois ou les Indiens juchés sur leurs éléphants, y ont eu recours indépendamment des Grecs et des Européens.
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