Résumé
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4e PAGE DE COUVERTURE
L’histoire de l’Afrique, malgré la richesse des publications
depuis les années 1960, reste méconnue, à l’exception de certains
points souvent abordés par les médias comme la préhistoire,
les empires du Sahel, les siècles de traite, la colonisation
et bien sûr l’évolution depuis les Indépendances.
Pour le reste, qui a une idée en Europe de l’expansion bantoue
par exemple, qui a duré plusieurs millénaires et constitue une
des plus grandes migrations de l’histoire, et une véritable
révolution économique ? Qui connaît le phénomène du Mfecane
en Afrique australe ? Ou les Djihads qui ont balayé l’Afrique
occidentale au XIXe siècle ?
Apporter sa pierre à l’édifice d’une meilleure connaissance
est le but de cet ouvrage. L’auteur, économiste, est spécialisé
en histoire économique et en économie du développement ;
il a vécu une dizaine d’années en Afrique et s’est inspiré des
travaux des grands maîtres africanistes, en Afrique même, en
France et dans le monde anglo-saxon essentiellement.
Depuis l’école des Annales entre les deux guerres, avec des
pionniers comme Marc Bloch, Lucien Febvre ou Fernand Braudel,
les aspects économiques occupent une place majeure dans les
travaux des historiens, bien loin de l’histoire méthodique,
c’est-à-dire politique, événementielle, caractérisant le XIXe
siècle. L’économie ne peut être détachée de l’histoire car il
s’agit de la façon dont les hommes vivent, et survivent.
Ce travail mêle les deux, aspects économiques et faits historiques.
Il aborde les caractères généraux du continent, puis le traite
chronologiquement des origines à la période actuelle.
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pages 54-57
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Citation -- pages 54-57
Chapitre 1: Africa
(...)
Science et techniques, architecture (p.54)
Les Européens ont dominé l’Afrique depuis le XVe siècle,
d’abord avec la traite, puis avec la colonisation, parce
qu’ils disposaient de navires plus puissants et de boussoles,
d’armes à feu, de canons, de machines diverses, des multiples
usages de la roue, de l’écriture et de l’imprimerie pour
produire des cartes, des livres et toute la paperasserie
administrative, enfin de grands Etats organisés, bref de
techniques et d’institutions plus efficaces.
Mais pourquoi cela n’a-t-il pas été l’inverse, pourquoi les
Africains n’ont-ils pas été à l’origine de ces techniques et
n’ont-ils pas envahi et annexé l’Europe ?
C’est la question que se pose Jared Diamond dans les chapitres 13
et 19 de son livre, chapitres consacrés aux techniques (13)
et au continent africain (19). La question est posée de façon
plus détaillée avec le cas de l’Empire inca : pourquoi est-ce
Pizarre (avec 168 soldats !) qui est allé renverser Atahualpa
en 1532 et non pas ce dernier qui est allé conquérir l’empire
de Charles Quint ? La réponse de l’auteur a été développée
plus haut dans ce chapitre, elle repose essentiellement sur la
géographie des continents, leur disposition suivant un axe est/ouest
(facilitant les échanges) ou nord/sud (les rendant plus difficiles).
Une autre explication est celle de David Cosandey, reposant sur les
conditions naturelles, et surtout maritimes. Cet auteur suisse
voit dans la primauté technique et scientifique européenne un
déterminisme géographique, ou plutôt « thalassographique ».
Il suffit de comparer une carte de l’Europe occidentale avec celle
des autres grandes aires culturelles pour constater un découpage
extrême des côtes qu’on ne retrouve nulle part ailleurs,
à l’exception de régions moins propices au peuplement pour des
raisons diverses (Indonésie, Philippines, Caraïbes, ou nord-est
du Canada).
Différentes mesures mathématiques sont utilisées par l’auteur pour
évaluer la thalassographie d’une région, dont la plus simple est
« l’indice de marinité » : superficie des péninsules et
îles en pourcentage de la superficie totale (56% en Europe, 3,6% en
Chine, 3,1% en Inde, 1% dans le monde musulman et en Afrique subsaharienne).
L’Europe est une « péninsule de péninsules » largement pénétrée
par la mer, possédant même plusieurs mers intérieures (Méditerranée,
Baltique, mer Noire).
Le résultat a été double au cours des siècles : une facilité des
échanges (la mer étant pendant longtemps le plus économique moyen
de transporter des hommes et des marchandises) et donc une division
du travail qui favorise la croissance économique ; une division
politique stable, parce que la présence de frontières naturelles
à une échelle limitée permet la formation de nations (l’Europe restera
divisée politiquement, contrairement par exemple à la Chine, empire
unifié et centralisé pratiquement tout au long de son histoire).
La rivalité politique favorise l’essor des sciences et des techniques,
les différents États cherchant toujours un avantage sur les autres dans
les conflits du continent, tandis que la prospérité économique, donc
l’existence d’un surplus, permet de financer une classe d’inventeurs
et de savants.
On a donc là une explication du progrès technique et scientifique
(voir schéma) à l’origine de l’essor européen, essor où le capitalisme
de marché n’aurait pas le rôle essentiel, sauf celui de permettre les
innovations, et non d’en être la cause profonde.
La diffusion de la technologie est évidemment plus rapide sans obstacles
géographiques, c’est ce que nous rappelle encore Diamond en prenant
l’exemple de la Tasmanie, complètement isolée, et donc désavantagée,
et de l’Islam, entre l’Asie, l’Europe et l’Afrique, bénéficiant d’apports
divers :
« Les sociétés les plus accessibles à la réception des inventions par
diffusion sont celles appartenant aux plus grands continents. Dans
ces sociétés, la technologie s’est propagée le plus rapidement, parce
qu’elles bénéficiaient non pas seulement de leurs propres inventions,
mais aussi de celles des autres sociétés. L’Islam médiéval, par exemple,
placé au centre de l’Eurasie, recevait les inventions de l’Inde et de la
Chine, et héritait des connaissances des anciens Grecs. »
Schéma résumant la théorie de Cosandey (2007) sur l’essor des sciences
et techniques
En outre, l’essor des différentes techniques anciennes, comme la poterie
ou le tissage, qui remontent aux temps néolithiques, est lié à la
sédentarisation elle-même conséquence de l’agriculture. En effet, les
peuples de nomages, chasseurs-cueilleurs, ne peuvent emmener avec eux
dans leurs pérégrinations que l’essentiel, « des armes, les
nourrissons, et le strict minimum indispensable assez léger pour être
porté, certainement pas des poteries, des céramiques, des imprimeries
ou des métiers à tisser ; seuls des peuples sédentaires peuvent
accumuler des possessions non transportables. »
(...)
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