FuturWest
le futur est notre passion
Sommaire
Envoi: Jeux Olympiques et autres championnats
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Cogito: France, Irlande, Pays-Bas
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6
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Cogito: Economie présentielle
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Du côté des futurs possibles: Sélections, bibliographie, Web
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19
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Nouvelles du Groupe Futurouest
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44
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p.12
Economie présentielle
(Articles de fond)
(...)
p.19
Du côté des futurs possibles
(Recension de livres)
p.19
Hervé JUVIN:
Produire le Monde (Pour une croissance écologique),
Gallimard – 2008 – 315 pages
p.21
Donald BRONWLEE & Peter WARD:
Vie et mort de la planète Terre,
La Huppe – 2007 – 215 pages
p.23
Philippe DELALANDE:
Vietnam, dragon en puissance,
L’Harmattan – 2007 – 240 pages
p.25
Loïc BLONDIAUX:
Le nouvel esprit de la démocratie / Actualité de la démocratie participative,
Seuil – 2008 – 110 Pages
p.27
DU CÔTÉ DES FUTURS POSSIBLES
Pourquoi la Grèce antique, puis l'Europe moderne ont-elles été les matrices
de deux «miracles» scientifiques et culturels sans équivalent dans le monde?
A quelles circonstances, à quelles qualités spécifiques, l'Occident doit-il
d'être l'inventeur de la modernité?
Fruit de plusieurs années de recherche, Le Secret de l'Occident met
en lumière les raisons politiques et économiques du progrès, en
fournissant une explication globale et cohérente de ce qu'il est
convenu d'appeler le développement. Dans un souci d'universalité,
l'auteur applique sa grille d'analyse à l'Islam, à l'Inde et à la Chine,
parvenant à interpréter les périodes d'avancée et de recul de ces diverses
civilisations. Il montre enfin qu'au-delà des apparences les ressorts
de l'innovation restent inchangés, à l'ère de l'Internet et de la
mondialisation libérale. L'ouvrage aide à repenser radicalement
la relation qui lie l'Occident au reste du monde, voire au reste de l'Univers...
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David COSANDEY
Le secret de l'Occident Vers une théorie générale du progrès scientifique
Flammarion 2007 - 865 pages
ATTENTION : ouvrage majeur !
Dans la présentation, DC donne les pistes qu'il va explorer et passer
au crible de ses analyses. Il considère qu'il y a trois pistes d'évolution,
descriptives voire prescriptives, de la dynamique d'innovation à laquelle
participent désormais presque toutes les sociétés humaines:
L'existence durable d'un système d'Etats prospères, pluralité
de pôles indépendants et concurrentiels
en croissance économique tendancielle,
Les conséquences de la rivalité oligopolaire mondiale telle
qu'elle se dessine confrontée aux défis environnementaux,
Afin de ne pas détruire la dynamique innovante de l'Humanité,
il faudrait éviter la formation d'un Etat mondial installé par nature
en situation monopolistique.
Pour soutenir la combinatoire nécessaire aux yeux de l'auteur pour
le succès scientifique et économique, il invente le terme de «méreuporie»,
du grec meros, «diviser», et euporeos, «être dans l'abondance». On dira
donc que l'Occident a réussi parce qu'il a bénéficié à long terme d'une
meilleure méreuporie que les autres civilisations.
Si l'Europe occidentale a connu un extraordinaire décollage scientifique
pendant le deuxième millénaire, c'est parce qu'elle a bénéficié
pendant toute cette période d'une division politique stable et
d'une économie en plein essor, au contraire des autres civilisations,
chroniquement victimes d'unité politique totale ou de division instable,
parfois aggravées par le déclin économique.
Dans un chapitre, David Cosandey s'emploie à réfuter les explications traditionnelles quant à
l'essor de l'Occident à savoir successivement les hypothèses : religieuse, culturelle, ethnique, climatique,
tiers-mondiste, grecque, du hasard.
Concernant l'hypothèse religieuse, il montre que même à l'époque moderne l'influence chrétienne
peut se révéler un frein à l'avancée des sciences. Ainsi, un sondage (1993) a montré que 70%
des Chinois, en majorité illettrés, mais pas chrétiens, acceptaient l'idée de l'évolution des espèces,
contre 45 % des américains, alphabétisés et cultivés mais chrétiens. En effet, la théorie de l'évolution
entre en contradiction avec la Bible.
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Quant au Coran, il ordonne aux musulmans de rechercher la «connaissance»
sans préciser s'il s'agit uniquement de savoir religieux ou de connaissance
naturelle aussi. Au sein du monde musulman, deux tendances se sont opposées
pendant des siècles, les «progressistes», favorables aux sciences, et
les «traditionalistes», hostiles à tout savoir autre que religieux.
L'affrontement s'est achevé à l'avantage des seconds, aux 13e-14e siècles.
La durée du conflit prouve néanmoins que l'issue n'était pas inéluctable.
Pour ce qui est de l'Inde, DC nous apprend que les sources sont
maigres et souvent le fait de recoupements hasardeux. Néanmoins,
après exposés, il conclut qu'il semble malaisé d'accuser le couple
hindouisme-bouddhisme d'avoir freiné le développement scientifique
en Inde plus que le christianisme en Europe. Quant à la Chine,
il montre que, là aussi, la religion ne peut pas être accusée
d'y avoir freiné le progrès scientifique ou technologique.
Les causes de l'insuccès chinois doivent être cherchées ailleurs...
Après toutes les hypothèses structurées, reste celle du hasard.
L'auteur cite Claude Lévi-Strauss. Estimant que la révolution
scientifico-industrielle nécessitait un certain nombre d'innovations
successives dans le bon ordre, un peu comme une série gagnante
au casino, l'anthropologue suggère que ce bouleversement devait
nécessairement survenir quelque part, un jour ou l'autre,
puisque toute série gagnante finit forcément par sortir, sans
que l'on puisse prévoir à l'avance ni où ni quand. La science
moderne et l'industrie seraient apparues en Europe tout à fait
par hasard, et il n'y aurait pas lieu de s'interroger sur cette origine.
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DC ne l'admet pas. Il rappelle la boutade selon laquelle,
en laissant des singes taper sur une machine à écrire,
on finirait par obtenir toute l'oeuvre de Shakespeare!
[En réalité, cela n'a aucune chance de se produire:
10 milliards de singes tapant chaque jour et nuit durant
tout l'âge de l'Univers à raison de 10 caractères par
seconde auraient une chance sur dix suivie de
164 345 zéros d'écrire Hamlet.]
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A partir du chapitre 2 on aborde progressivement les composantes
de la théorie méreuporique, notamment la question de la
division politique stable.
L'auteur concède que le terme de «division» souffre d'une
connotation très mauvaise ; il suggère incompréhension, haine,
mal, tandis que son inverse «unité», respire la fraternité
et l'harmonie. Pourtant, il se trouve que la cristallisation
durable de l'Europe en un ensemble d'États distincts est,
conjointement avec sa prospérité économique, la grande cause
de son essor techno-scientifique sur la longue durée. On pourrait
utiliser le terme de «politico-diversité», par analogie
avec la biodiversité des biologistes.
Puis l'auteur passe au crible les mécanismes de l'évolution
scientifique en Islam, examinant successivement six périodes,
de 650 ap. JC à nos jours. Il fait de même avec l'Inde en débutant
une première période de -200 à +300, pour finir à la période
de 1200 à 1600, et enfin la période de rencontre entre l'Occident
et l'Inde. La même question est traitée pour la Chine en passant
par onze périodes distinctes, la première débutant en -700.
Au terme de l'analyse, il estime avoir établi que la division
politique stable et l'essor économique étaient les deux conditions
sine qua non de l'avance des sciences et des techniques.
Pour que le savoir évoluât, il fallait des écoles libres,
des marchands dynamiques, des princes rivalisant de puissance.
C'est au fond, un constatation assez banale: la vérité a plus
de chances de s'imposer si elle coïncide avec des forts intérêts
financiers et politiques !
Avec le chapitre 6, David Cosandey abat son atout maître,
l'hypothèse thalassographique.
Après la mise en évidence de l'économie florissante et de la
division politique stable comme raisons du succès techno-scientifique
de l'Occident, il reste à essayer de comprendre pourquoi
ces éléments n'ont été rassemblés que dans cette civilisation.
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Pourquoi la division instable, l'unité ou la dépression économique
ont-elles affligé l'Islam, l'Inde et la Chine, tandis que l'Europe
jouissait d'excellentes conditions méreuporiques? Quelle devrait
être la silhouette d'un continent idéalement avantagé pour l'essor
économique et pour la division politique stable? Pour faciliter
l'activité commerciale, le continent idéal devrait être littéralement
«baigner» dans des mers, c'est-à-dire qu'il devrait être «mince»,
ses régions se trouvant toutes proches d'une mer. En outre,
il devrait être vaste, afin d'héberger une population importante.
Pour engendre des États partiels durables, il devait offrir des
domaines distincts, bien séparés par la mer, tout en restant
interconnectés les uns aux autres par des isthmes permettant des
affrontements.
[ Le continent offrant]
cette thalassographie articulée,
c'est l'Europe!
Il paraît assez logique que la révolution industrielle ait
commencé en Grande-Bretagne. C'était la région la plus avantagée
de l'Europe au point de vue de la thalassographie et
de la géomorphologie. Ajoutons à cela de nombreuses rivières
et l'on constate alors qu'en Angleterre, à la fin du 18e
siècle, le tonnage des marchandises transportées par voies
d'eau (mer et rivière) égalait le tonnage transporté par
voie terrestre, comme au Pays-Bas ; tandis qu'en Allemagne
le tonnage terrestre était cinq fois plus important que
le tonnage aquatique. En France, ce ratio était probablement
plus élevé encore.
Quand on ne possède pas ces conditions méreuporiques,
on peut essayer de les acquérir. En effet, la période pendant
laquelle l'Islam a effectivement occupé certaines parties
de l'Europe méridionale fut si heureuse pour sa civilisation.
Le cas particulier du Japon.
L'époque culturellement la plus féconde de l'histoire du Japon fut celle de Muromachi, de 1340
à 1570. C'est durant cette Renaissance japonaise que furent inventés, le théâtre symbolique (No), la
danse parlée réaliste (Kyogen), le théâtre de marionnettes (Bunraku) et l'art du bouquet (Ikebana).
C'est aussi durant cette période, que furent poussés à leur perfection la cérémonie du thé, la calligraphie,
la peinture paysagiste et l'art du jardin. Les technologies progressèrent rapidement, en particulier
celle de l'armement. Pendant toute la période Muromachi, le Japon était divisé de façon stable
entre plusieurs Etats indépendants, gouvernés par des seigneurs féodaux (Daimyos) qui se faisaient
continuellement la guerre et rivalisaient de gloire. Les échanges avec la Chine et la Corée progressaient
rapidement.
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Sans entrer dans des détails techniques que le lecteur
trouvera tout loisir à étudier, signalons néanmoins les tableaux
de calculs présentés par DC:
Indice de marinité des domaines géographiques des quatre civilisations,
Distance à la mer du point le plus éloigné de la mer dans les quatre aires,
Indice de développement des quatre régions,
Dimension fractale des quatre régions sans leurs îles,
Dimension fractale des quatre régions - îles incluses.
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Retour aux sources, pourrait-on dire, avec le Chapitre 7
«Le secret de la Grèce».
DC s'emploie avec plaisir à démontrer que la floraison hellène
de l'Antiquité obéit, elle aussi,
à la théorie méreuporique, ainsi qu'à l'hypothèse thalassographique.
En effet, aucune argumentation «internaliste» ne peut justifier
à la fois l'essor initial et la chute finale des sciences et
des techniques grecques. La difficulté avec la miracle grec,
c'est qu'il faut expliquer non seulement pourquoi il a commencé,
mais aussi pourquoi il s'est terminé... Avec l'hypothèse
des talents propres, culturels ou psychiques, l'énigme grecque
demeure plus impénétrable que jamais. Seule une théorie externaliste,
comme la théorie méreuporique, peut rendre compte de l'ensemble
du miracle grec début, apogée et fin de façon
cohérente.
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Chapitre 9 : quelques mots sur l'Internet. Pour l'auteur,
la cause est entendue, l'Internet a obéi aux conditions méreuporiques
à toutes les étapes de son développement, depuis la création son
ancêtre, l'Arpanet en 1969. Il montre aussi combien le découpage
du littoral joue un rôle capital dans le développement du super-réseau
d'ordinateurs. Quand bien même les Internautes se croient libérés
de toute contingence géographique ou physique, une thalassographie
articulée est toujours un avantage à l'ère du monde virtuel...
Il est en effet beaucoup plus facile de poser un câble de fibre
optique au fond de la mer que sur terre, où il faut obtenir toutes
les autorisations nécessaires. A ce sujet, il rappelle la quasi-totalité
des données circulent dans des fils de cuivre ou de fibre optique,
et que les transits par l'espace restent marginaux.
David Cosandey commente aussi l'importance du mécénat privé
pour le développement. Les dépenses de mécénat représentent
aux USA 5,3% du total des dépenses de recherches, 2,1% au
Japon, 1,3% dans l'Union Européenne [UE 15].
Nous ayant entraîné dans ses démonstrations, DC nous met en garde
contre le danger de l'État universel. Pour lui, l'émergence
d'un État universel recouvrant la planète entière représenterait
un scénario très néfaste pour la science. Rien que le fait
qu'on aboutirait à une réglementation unique au monde serait
particulièrement nuisible à toute émulation de recherche.
Quant à l'Union Européenne, dans la bataille économique mondiale,
elle a raison de se penser comme un pôle unique
face aux autres blocs économiques que sont les USA (voire l'ALENA),
le Japon, la Chine et l'Inde. Les États associés en UE ne sont pas
de trop, tous ensemble, pour résister aux offensives technologiques
diverses. Il faut seulement espérer que l'UE saura trouver
le juste milieu, le compromis optimal, entre une nécessaire centralisation,
permettant les grands projets communs, et une nécessaire diversité
des législations et stratégies, permettant à l'ensemble de
progresser plus vite.
Enfin, l'auteur «s'amuse» à appliquer ses théories et hypothèses
à l'expansion interplanétaire dont plusieurs progrès sont (seront)
dépendants. Il estime que ni la Lune, ni Vénus, ni Mars ne
sont habitables et exploitables. Il «dérive»
[ généralise]
ses applications, passant de la thalassographie à une
planétographie. A ses yeux, c'est plutôt du côté d'Alpha du Centaure,
système de deux étoiles, situé à 4,36 années-lumière de la Terre,
qu'il faut porter nos regards intéressés. Il ne croit pas à la
terraformation de Mars...
[Nota = Mais il oublie la possibilité de la panspermie.]
Comme indiqué en début de cette note de lecture, voilà un ouvrage majeur,
pour ne pas dire géant, notamment par tous les espaces de réflexion
novateurs qu'il ouvre.
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p.31
Vincent CHEYNET:
Le choc de la décroissance,
Seuil - 2008 - 230 pages
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