Une analyse longue et soignée de mon livre Le Secret de l'Occident (2007), par la revue trimestrielle en ligne FuturWest, de l'association "Le Futur Ouest", en janvier 2009.
Présentation du Secret de l'Occident (2007), "Du côté des futurs possibles" (revue de livres), FuturWest, no29, hiver 2008-2009, p.27-30.

Le Groupe FUTUROUEST, à Lorient, en Bretagne, se fixe comme objectif la prévision et la préparation de l'avenir – l'avenir de la Bretagne, de la France et de l'humanité. Il se veut à la fois groupe de pensée, centre de formation et cabinet de conseil pour entreprises et collectivités publiques. Le groupe FuturOuest organise des conférences, des colloques, des séminaires et publie une revue trimestrielle ("FuturWest"). Fondée en 1992, l'association fête ses 20 ans le 28 septembre 2012 à Lorient.
    

Copie de sûreté de la version internet: mai 2012. Document PDF. Source.







FuturWest
le futur est notre passion

Sommaire
Envoi: Jeux Olympiques et autres championnats            2
Cogito: France, Irlande, Pays-Bas             6
Cogito: Economie présentielle            12
Du côté des futurs possibles: Sélections, bibliographie, Web            19
Nouvelles du Groupe Futurouest            44


p.12
Economie présentielle
(Articles de fond)


(...)


p.19
Du côté des futurs possibles
(Recension de livres)

p.19
Hervé JUVIN: Produire le Monde (Pour une croissance écologique), Gallimard – 2008 – 315 pages

p.21
Donald BRONWLEE & Peter WARD: Vie et mort de la planète Terre, La Huppe – 2007 – 215 pages

p.23
Philippe DELALANDE: Vietnam, dragon en puissance, L’Harmattan – 2007 – 240 pages

p.25
Loïc BLONDIAUX: Le nouvel esprit de la démocratie / Actualité de la démocratie participative, Seuil – 2008 – 110 Pages




p.27

DU CÔTÉ DES FUTURS POSSIBLES
suite

Pourquoi la Grèce antique, puis l'Europe moderne ont-elles été les matrices de deux «miracles» scientifiques et culturels sans équivalent dans le monde? A quelles circonstances, à quelles qualités spécifiques, l'Occident doit-il d'être l'inventeur de la modernité?

Fruit de plusieurs années de recherche, Le Secret de l'Occident met en lumière les raisons politiques et économiques du progrès, en fournissant une explication globale et cohérente de ce qu'il est convenu d'appeler le développement. Dans un souci d'universalité, l'auteur applique sa grille d'analyse à l'Islam, à l'Inde et à la Chine, parvenant à interpréter les périodes d'avancée et de recul de ces diverses civilisations. Il montre enfin qu'au-delà des apparences les ressorts de l'innovation restent inchangés, à l'ère de l'Internet et de la mondialisation libérale. L'ouvrage aide à repenser radicalement la relation qui lie l'Occident au reste du monde, voire au reste de l'Univers...



David COSANDEY
Le secret de l'Occident – Vers une théorie générale du progrès scientifique
Flammarion – 2007 - 865 pages



ATTENTION : ouvrage majeur !


           Dans la présentation, DC donne les pistes qu'il va explorer et passer au crible de ses analyses. Il considère qu'il y a trois pistes d'évolution, descriptives voire prescriptives, de la dynamique d'innovation à laquelle participent désormais presque toutes les sociétés humaines:
–L'existence durable d'un système d'Etats prospères, pluralité de pôles indépendants et concurrentiels en croissance économique tendancielle,
–Les conséquences de la rivalité oligopolaire mondiale telle qu'elle se dessine confrontée aux défis environnementaux,
–Afin de ne pas détruire la dynamique innovante de l'Humanité, il faudrait éviter la formation d'un Etat mondial installé par nature en situation monopolistique.

           Pour soutenir la combinatoire nécessaire aux yeux de l'auteur pour le succès scientifique et économique, il invente le terme de «méreuporie», du grec meros, «diviser», et euporeos, «être dans l'abondance». On dira donc que l'Occident a réussi parce qu'il a bénéficié à long terme d'une meilleure méreuporie que les autres civilisations.

           Si l'Europe occidentale a connu un extraordinaire décollage scientifique pendant le deuxième millénaire, c'est parce qu'elle a bénéficié pendant toute cette période d'une division politique stable et d'une économie en plein essor, au contraire des autres civilisations, chroniquement victimes d'unité politique totale ou de division instable, parfois aggravées par le déclin économique.

           Dans un chapitre, David Cosandey s'emploie à réfuter les explications traditionnelles quant à l'essor de l'Occident à savoir successivement les hypothèses : religieuse, culturelle, ethnique, climatique, tiers-mondiste, grecque, du hasard.

           Concernant l'hypothèse religieuse, il montre que même à l'époque moderne l'influence chrétienne peut se révéler un frein à l'avancée des sciences. Ainsi, un sondage (1993) a montré que 70% des Chinois, en majorité illettrés, mais pas chrétiens, acceptaient l'idée de l'évolution des espèces, contre 45 % des américains, alphabétisés et cultivés mais chrétiens. En effet, la théorie de l'évolution entre en contradiction avec la Bible.





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           Quant au Coran, il ordonne aux musulmans de rechercher la «connaissance» sans préciser s'il s'agit uniquement de savoir religieux ou de connaissance naturelle aussi. Au sein du monde musulman, deux tendances se sont opposées pendant des siècles, les «progressistes», favorables aux sciences, et les «traditionalistes», hostiles à tout savoir autre que religieux. L'affrontement s'est achevé à l'avantage des seconds, aux 13e-14e siècles. La durée du conflit prouve néanmoins que l'issue n'était pas inéluctable.

           Pour ce qui est de l'Inde, DC nous apprend que les sources sont maigres et souvent le fait de recoupements hasardeux. Néanmoins, après exposés, il conclut qu'il semble malaisé d'accuser le couple hindouisme-bouddhisme d'avoir freiné le développement scientifique en Inde plus que le christianisme en Europe. Quant à la Chine, il montre que, là aussi, la religion ne peut pas être accusée d'y avoir freiné le progrès scientifique ou technologique. Les causes de l'insuccès chinois doivent être cherchées ailleurs...

           Après toutes les hypothèses structurées, reste celle du hasard. L'auteur cite Claude Lévi-Strauss. Estimant que la révolution scientifico-industrielle nécessitait un certain nombre d'innovations successives dans le bon ordre, un peu comme une série gagnante au casino, l'anthropologue suggère que ce bouleversement devait nécessairement survenir quelque part, un jour ou l'autre, puisque toute série gagnante finit forcément par sortir, sans que l'on puisse prévoir à l'avance ni où ni quand. La science moderne et l'industrie seraient apparues en Europe tout à fait par hasard, et il n'y aurait pas lieu de s'interroger sur cette origine.

           DC ne l'admet pas. Il rappelle la boutade selon laquelle, en laissant des singes taper sur une machine à écrire, on finirait par obtenir toute l'oeuvre de Shakespeare! [En réalité, cela n'a aucune chance de se produire: 10 milliards de singes tapant chaque jour et nuit durant tout l'âge de l'Univers à raison de 10 caractères par seconde auraient une chance sur dix suivie de 164 345 zéros d'écrire Hamlet.]

           A partir du chapitre 2 on aborde progressivement les composantes de la théorie méreuporique, notamment la question de la division politique stable. L'auteur concède que le terme de «division» souffre d'une connotation très mauvaise ; il suggère incompréhension, haine, mal, tandis que son inverse «unité», respire la fraternité et l'harmonie. Pourtant, il se trouve que la cristallisation durable de l'Europe en un ensemble d'États distincts est, conjointement avec sa prospérité économique, la grande cause de son essor techno-scientifique sur la longue durée. On pourrait utiliser le terme de «politico-diversité», par analogie avec la biodiversité des biologistes.

           Puis l'auteur passe au crible les mécanismes de l'évolution scientifique en Islam, examinant successivement six périodes, de 650 ap. JC à nos jours. Il fait de même avec l'Inde en débutant une première période de -200 à +300, pour finir à la période de 1200 à 1600, et enfin la période de rencontre entre l'Occident et l'Inde. La même question est traitée pour la Chine en passant par onze périodes distinctes, la première débutant en -700.

           Au terme de l'analyse, il estime avoir établi que la division politique stable et l'essor économique étaient les deux conditions sine qua non de l'avance des sciences et des techniques. Pour que le savoir évoluât, il fallait des écoles libres, des marchands dynamiques, des princes rivalisant de puissance. C'est au fond, un constatation assez banale: la vérité a plus de chances de s'imposer si elle coïncide avec des forts intérêts financiers et politiques !

           Avec le chapitre 6, David Cosandey abat son atout maître, l'hypothèse thalassographique.

           Après la mise en évidence de l'économie florissante et de la division politique stable comme raisons du succès techno-scientifique de l'Occident, il reste à essayer de comprendre pourquoi ces éléments n'ont été rassemblés que dans cette civilisation.





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           Pourquoi la division instable, l'unité ou la dépression économique ont-elles affligé l'Islam, l'Inde et la Chine, tandis que l'Europe jouissait d'excellentes conditions méreuporiques? Quelle devrait être la silhouette d'un continent idéalement avantagé pour l'essor économique et pour la division politique stable? Pour faciliter l'activité commerciale, le continent idéal devrait être littéralement «baigner» dans des mers, c'est-à-dire qu'il devrait être «mince», ses régions se trouvant toutes proches d'une mer. En outre, il devrait être vaste, afin d'héberger une population importante. Pour engendre des États partiels durables, il devait offrir des domaines distincts, bien séparés par la mer, tout en restant interconnectés les uns aux autres par des isthmes permettant des affrontements. [Le continent offrant] cette thalassographie articulée, c'est l'Europe!

           Il paraît assez logique que la révolution industrielle ait commencé en Grande-Bretagne. C'était la région la plus avantagée de l'Europe au point de vue de la thalassographie et de la géomorphologie. Ajoutons à cela de nombreuses rivières et l'on constate alors qu'en Angleterre, à la fin du 18e siècle, le tonnage des marchandises transportées par voies d'eau (mer et rivière) égalait le tonnage transporté par voie terrestre, comme au Pays-Bas ; tandis qu'en Allemagne le tonnage terrestre était cinq fois plus important que le tonnage aquatique. En France, ce ratio était probablement plus élevé encore.

           Quand on ne possède pas ces conditions méreuporiques, on peut essayer de les acquérir. En effet, la période pendant laquelle l'Islam a effectivement occupé certaines parties de l'Europe méridionale fut si heureuse pour sa civilisation.

           Le cas particulier du Japon.

           L'époque culturellement la plus féconde de l'histoire du Japon fut celle de Muromachi, de 1340 à 1570. C'est durant cette Renaissance japonaise que furent inventés, le théâtre symbolique (No), la danse parlée réaliste (Kyogen), le théâtre de marionnettes (Bunraku) et l'art du bouquet (Ikebana). C'est aussi durant cette période, que furent poussés à leur perfection la cérémonie du thé, la calligraphie, la peinture paysagiste et l'art du jardin. Les technologies progressèrent rapidement, en particulier celle de l'armement. Pendant toute la période Muromachi, le Japon était divisé de façon stable entre plusieurs Etats indépendants, gouvernés par des seigneurs féodaux (Daimyos) qui se faisaient continuellement la guerre et rivalisaient de gloire. Les échanges avec la Chine et la Corée progressaient rapidement.

           Sans entrer dans des détails techniques que le lecteur trouvera tout loisir à étudier, signalons néanmoins les tableaux de calculs présentés par DC:
–Indice de marinité des domaines géographiques des quatre civilisations,
–Distance à la mer du point le plus éloigné de la mer dans les quatre aires,
–Indice de développement des quatre régions,
–Dimension fractale des quatre régions sans leurs îles,
–Dimension fractale des quatre régions - îles incluses.

           Retour aux sources, pourrait-on dire, avec le Chapitre 7 «Le secret de la Grèce».

           DC s'emploie avec plaisir à démontrer que la floraison hellène de l'Antiquité obéit, elle aussi, à la théorie méreuporique, ainsi qu'à l'hypothèse thalassographique. En effet, aucune argumentation «internaliste» ne peut justifier à la fois l'essor initial et la chute finale des sciences et des techniques grecques. La difficulté avec la miracle grec, c'est qu'il faut expliquer non seulement pourquoi il a commencé, mais aussi pourquoi il s'est terminé... Avec l'hypothèse des talents propres, culturels ou psychiques, l'énigme grecque demeure plus impénétrable que jamais. Seule une théorie externaliste, comme la théorie méreuporique, peut rendre compte de l'ensemble du miracle grec – début, apogée et fin – de façon cohérente.





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           Chapitre 9 : quelques mots sur l'Internet. Pour l'auteur, la cause est entendue, l'Internet a obéi aux conditions méreuporiques à toutes les étapes de son développement, depuis la création son ancêtre, l'Arpanet en 1969. Il montre aussi combien le découpage du littoral joue un rôle capital dans le développement du super-réseau d'ordinateurs. Quand bien même les Internautes se croient libérés de toute contingence géographique ou physique, une thalassographie articulée est toujours un avantage à l'ère du monde virtuel... Il est en effet beaucoup plus facile de poser un câble de fibre optique au fond de la mer que sur terre, où il faut obtenir toutes les autorisations nécessaires. A ce sujet, il rappelle la quasi-totalité des données circulent dans des fils de cuivre ou de fibre optique, et que les transits par l'espace restent marginaux.

           David Cosandey commente aussi l'importance du mécénat privé pour le développement. Les dépenses de mécénat représentent aux USA 5,3% du total des dépenses de recherches, 2,1% au Japon, 1,3% dans l'Union Européenne [UE 15].

           Nous ayant entraîné dans ses démonstrations, DC nous met en garde contre le danger de l'État universel. Pour lui, l'émergence d'un État universel recouvrant la planète entière représenterait un scénario très néfaste pour la science. Rien que le fait qu'on aboutirait à une réglementation unique au monde serait particulièrement nuisible à toute émulation de recherche. Quant à l'Union Européenne, dans la bataille économique mondiale, elle a raison de se penser comme un pôle unique face aux autres blocs économiques que sont les USA (voire l'ALENA), le Japon, la Chine et l'Inde. Les États associés en UE ne sont pas de trop, tous ensemble, pour résister aux offensives technologiques diverses. Il faut seulement espérer que l'UE saura trouver le juste milieu, le compromis optimal, entre une nécessaire centralisation, permettant les grands projets communs, et une nécessaire diversité des législations et stratégies, permettant à l'ensemble de progresser plus vite.

           Enfin, l'auteur «s'amuse» à appliquer ses théories et hypothèses à l'expansion interplanétaire dont plusieurs progrès sont (seront) dépendants. Il estime que ni la Lune, ni Vénus, ni Mars ne sont habitables et exploitables. Il «dérive» [généralise] ses applications, passant de la thalassographie à une planétographie. A ses yeux, c'est plutôt du côté d'Alpha du Centaure, système de deux étoiles, situé à 4,36 années-lumière de la Terre, qu'il faut porter nos regards intéressés. Il ne croit pas à la terraformation de Mars...
[Nota = Mais il oublie la possibilité de la panspermie.]

           Comme indiqué en début de cette note de lecture, voilà un ouvrage majeur, pour ne pas dire géant, notamment par tous les espaces de réflexion novateurs qu'il ouvre.







p.31
Vincent CHEYNET: Le choc de la décroissance, Seuil - 2008 - 230 pages


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Créé: 19 mai 2012 – Derniers changements: 20 oct 2014