Une recension brillamment concise de mon livre Le Secret de l'Occident,
parue en
(Les Collections de l'Histoire, Paris, édition papier, no38, janvier-mars 2008, p.68). Cette critique de Joël Cornette (1949) est parue insérée dans l'article de Jean-Michel Gaillard (19462005), "La planète est un village" (p.67-75), mis à jour par Marion Gaillard, et réédité à titre posthume. Copie de la version papier Version neurphone / smartphone |
GÉOGRAPHIE
Pourquoi l'Occident a dominé le monde
David Cosandey, docteur en physique théorique,
a fait paraître, en 1997, un essai à la fois audacieux et braudélien,
Le Secret de l'Occident. Vers une théorie générale du progrès scientifique
(Arléa, 1997, rééd. Flammarion, 2007).
Il propose une explication globale et cohérente à la question de l'énigme
de la domination du monde par les Occidentaux : comment expliquer que,
dès le XIe siècle, on assiste en Europe occidentale à un processus quasi continu
de progrès dans tous les domaines, ou presque, alors que dans toutes les autres
civilisations (Inde, Chine, Japon, Amérique, Islam), rien de semblable ne peut
être observé ?
Pour répondre, David Cosandey a imaginé une théorie originale, celle de la « thalassographie articulée ». Qu'entendre par ce terme quelque peu barbare ? La thalassographie, c'est un rapport entre la masse continentale et le tracé des côtes. Elle a des conséquences sur la géopolitique des continents. Une bonne thalassographie articulée permet à des États distincts de se former et de se maintenir durablement, tout en favorisant le transport par mer. Pour David Cosandey, pas de doute, l'Europe occidentale présente la meilleure thalassographie articulée du monde. Elle bénéficie en effet d'une masse continentale importante, soudée en un seul bloc, mais avec un contour côtier extrêmement découpé. Et c'est cette géographie spécifique de l'Europe qui a permis un découpage politique plutôt stable, caractérisé par la division entre États rivaux, une économie en plein essor (dopée par la nécessité des échanges par voie maritime), une stimulation de l'invention scientifique (attisée par l'antagonisme entre les États), au contraire de toutes les autres civilisations, chroniquement victimes d'unité politique totale ou de division instable, parfois aggravées par le déclin économique. Tout a commencé par le « miracle grec » : le monde grec était divisé en plusieurs cités, à la fois stables et rivales, ce qui a permis un spectaculaire essor commercial et économique, lui-même générateur d'une floraison des sciences et des techniques. C'est bien là la matrice du modèle de l'Occident triomphant : au-delà des apparences, les ressorts de l'innovation sont restés inchangés au fil des siècles et ce scénario, combinaison idéale d'éléments réactifs entraînant un flot de progrès scientifiques et techniques, s'est renouvelé, sous d'autres formes, pour aboutir, au XVe siècle, à un mouvement d'expansion continue initié par le Portugal (1415, prise de Ceuta), puis accéléré par la découverte du Nouveau Monde (1492) et le rôle joué par l'Espagne, le grand désenclavement du monde (voyage de Magellan, 1519-1522) marque le début de la modernité et de l'influence occidentale à l'échelle planétaire (arrivée des Portugais au Japon, 1543). Qui aurait pensé que la géographie pouvait être le « secret de l'Occident » ?
Joël Cornette
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Créé: 20 fév 2008 Modifié: 13 mar 2020
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